UE J : Territory and landscape

Densification de villages ? Vers une culture des lieux

L'injonction à la densification selon le principe du "développement vers l'intérieur", inscrit dans la Loi d'Aménagement du Territoire depuis 2013, semble désormais intégrée par tous les acteurs de l'urbanisme et de la construction : architectes, administrations, clients, opérateurs immobiliers, experts. Dans la perspective d'une croissance démographique en Suisse, le développement vers l'intérieur oriente l'urbanisme des villes-centres majeures et des agglomérations. Toutefois, en s'inscrivant dans une approche qui oppose densité et mitage, il se révèle inadéquat au sujet des structures territoriales villageoises en tant que forme d'urbanisation discontinue en milieu rural.

L'urgence de questionner les modalités d'une "densification" appropriée aux territoires de villages va de pair avec l'urgence de rendre compte de leurs dynamiques réelles ainsi que des attentes sociales. Dominés par l'espace non bâti et caractérisés par une socialité de proximité, ces territoires ont vu leur attractivité se consolider face aux crises sanitaires et climatiques. Les structures villageoises représentent un atout en vue de l'évolution durable du territoire, car elles présentent des ressources de régulation climatique, environnementale et sociale qui sont limitées dans les villes-centres ; en même temps, elles présentent des fragilités au niveau de la mobilité ou des performances énergétiques.

L'appel lancé par la politique fédérale de la Baukultur (Déclaration de Davos de 2018) au nom des "lieux" et contre une approche des standards ou des modèles préétablis, revêt une pertinence particulière. En vue d'une croissance démographique des villages, quelle culture du bâti serait-elle non seulement compatible, mais aussi profitable à une transition environnementale, énergétique, modale et, plus largement, sociale ? Quelles futures densités pourraient prendre forme sur la base d'un rapport au lieu compris sous tous ses registres : matériel, spatial, culturel, fonctionnel et social ? Quelle culture d'une densité optimale prendrait le dessus sur la tentation simpliste d'une densité maximale ? Quels imaginaires peuvent orienter une vision de l'urbanisation des villages aux prises avec un projet de société pour la transition ?

Étude de cas

Le cours est organisé par le Laboratoire d'Urbanisme de l'EPFL et l'Institut d'architecture TRANSFORM (patrimoine, construction et usages) de l'HEIA, Haute École d'Ingénierie et d'Architecture de Fribourg.

Il se concentre sur l'urbanisation discontinue villageoise dans le canton de Fribourg, située à la marge des périmètres d'agglomération, mais marquée par une croissance démographique positive. En prenant appui sur une dizaine de projets issus de professionnels locaux, l'UE propose aux étudiants de mener une analyse morphologique et quantitative de l'évolution des structures territoriales et spatiales villageoises en tant que palimpseste, dans l'objectif de contribuer à une vision de leur futur. En croisant les échelles et les formats - atlas cartographique, description paysagère et analyse architecturale - il s'agira d'aborder les dynamiques de construction et d'usage du territoire, en portant l'attention sur les enjeux d'habitabilité, de patrimoine, d'artificialisation du sol, d'agriculture, d'activité et de mobilité de ces territoires.

Hypothèse

L'UE entend contribuer au débat sur la densification en Suisse, au même moment où le Projet de territoire Suisse est en phase de révision et de mise à jour. L'étude de cas permet d'interroger quelques-uns de ses concepts clés : densification vers l'intérieur, territoire polycentrique, ville des courtes distances ; à partir d'une urbanisation discontinue issue d'une longue histoire, mais dont les qualités rencontrent les besoins et aspirations actuelles en matière d'habitat. L'approche des villages sera donc celle d'une forme d'urbanisation évolutive, qui exige d'aborder le rapport au contexte non pas sur la base de valeurs établies selon une logique patrimoniale, mais sur la base de ses potentiels et de ses ressources - qu'elles soient culturelles, esthétiques, matérielles, énergétiques, sociales ou économiques - à l'horizon de la transition. Une telle hypothèse contraste clairement avec l'architecture institutionnelle de l'aménagement du territoire, notamment celle qui perpétue des logiques de hiérarchie entre centres d'agglomération et territoires périphériques, et soulève la question des conditions d'expérimentation au sein de cette dernière.

Méthode

La méthodologie consiste en une analyse morphologique de l'évolution des structures territoriales et spatiales villageoises en tant que palimpseste, c'est-à-dire appréhendées dans la durée, au tournant entre le XXe et le XXIe siècle. À cette fin, il s'agira de procéder par des sauts d'échelles qui mettent en relation : les "projets révélateurs" des processus bâtis en cours ; les structures territoriales villageoises de grande échelle ; l'échelle du village compris autant comme une forme bâtie et paysagère reconnaissable, que comme une échelle d'habitat de proximité. L'objectif est de rendre compte des dynamiques à l'œuvre dans ces territoires à partir de leurs composantes matérielles et physiques ; de renseigner exactement la plasticité du territoire ; d'identifier le potentiel de modification/réactivation de structures territoriales, paysagères et bâties ; d'esquisser des stratégies prenant en compte les défis de transition environnementale, énergétique, de mobilité et sociale.